Ce que change la loi Gayssot

Ce que change la loi Gayssot

Ce que change la loi GayssotLe Conseil Constitutionnel a tranché : le grand excès de vitesse et la responsabilité pécuniaire du propriétaire sont conformes à l’esprit de la constitution. Ces deux dispositions promulguées au
Journal Officiel du 19 Juin 1999 sont désormais en vigueur. Voici ce qui change.

• Le grand excès de vitesse avec récidive devient un délit

Tout conducteur déjà condamné pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h, et qui récidive dans un délai de 12 mois à partir de la date à laquelle la peine a été prononcée, est passible au maximum de 3 mois d’emprisonnement et de 25 000 F d’amende, en plus d’une perte de 6 points et d’un retrait de permis pouvant aller jusqu’à 3 ans. Il est peu probable que des juges prononcent des peines de prison ferme, mais les amendes seront très lourdes et le retrait de points certain.

• Que se passe-t-il en cas de grand excès de vitesse hors cas de récidive dans les 12 mois ?

L’auteur de l’infraction est passible, comme c’était déjà le cas, d’une amende de 10 000 F maximum avec un retrait de 4 points et un passage devant le tribunal qui peut également décider d’un retrait de permis pouvant aller jusqu’à 3 ans.

• La responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule

Désormais, les amendes pour infraction à la vitesse ou franchissement irrégulier de feu rouge constatés par photo, sans interception, sont payables par le propriétaire du véhicule (leur montant étant égal à celui des amendes avec interception). A moins que, a précisé le Conseil constitutionnel, le propriétaire
n’établisse l’existence d’un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu’il apporte tous éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur véritable de l’infraction.

Trois cas de figure peuvent se présenter :

-Le cliché est net et prouve que le propriétaire conduisait le véhicule en infraction. Il est alors responsable pécuniairement, bien sûr, et pénalement (retrait de points et éventuellement de permis, infraction inscrite sur le casier judiciaire et prise en compte pour apprécier la récidive en cas de grand excès de vitesse) ;

-Le cliché est net et prouve que le propriétaire n’était pas le conducteur. On voit mal comment sa responsabilité pourrait être engagée. Le cliché constitue en effet un élément établissant qu’il n’est pas l’auteur véritable de l’infraction.

Aucune responsabilité pénale ni pécuniaire ne doit donc être retenue contre lui.

-Le cliché n’est pas lisible (photo floue, montant de pare-brise) ou le visage du conducteur n’y figure pas (photo de l’arrière du véhicule). Le propriétaire est responsable uniquement pécuniai- rement (ni retrait de points ni retrait de permis, mais paiement de l’amende), à moins de prouver qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction. Il devra alors citer des témoins pouvant attester sous serment de son emploi du temps au moment des faits. Mais la crainte des conséquences d’un faux témoignage comme la solennité du tribunal devraient logiquement freiner ce type de procédure. Le plus souvent, il paiera. Ensuite, libre à lui de se faire rembourser par le fautif.

• Les voitures pourront-elles être flashées de l’arrière ?

Cela irait dans le sens de la loi, qui vise à ôter l’impunité aux conducteurs de voitures d’entreprise, d’emprunt, aux motards (plaque à l’arrière), aux chauffeurs routiers (assis en hauteur, le conducteur échappe à la photo), et plus généralement à tous ceux qui n’étaient pas reconnaissables sur le cliché. Désormais, ils devront rendre des comptes – c’est le mot – au propriétaire du véhicule : parent, ami ou… entreprise. Le temps où 40 % des flashages
effectués sur le boulevard périphérique parisien restaient sans suite faute de photo exploitable pourrait donc être révolu. A la réserve près que le flashage par l’arrière ne permettra pas de retrait de points. Or une répression basée sur les seules amendes, proportionnellement plus dure pour les petits revenus, n’irait pas sans poser quelques problèmes de conscience au ministre des Transports communiste Jean-Claude Gayssot.

• Le propriétaire du véhicule est-il tenu de dénoncer l’auteur de l’infraction ?

La loi n’oblige pas le propriétaire du véhicule à dénoncer le conducteur au moment de l’infraction. Elle ne le lui interdit pas non plus, mais il n’y a aucun intérêt : si le visage est reconnaissable et n’est pas le sien, c’est la preuve de son innocence et aucune poursuite, pénale ou judiciaire, ne peut être effectuée. Soit le visage est flou ou n’apparaît pas sur le cliché et toute dénonciation serait sans effet, faute de preuve. Il n’y a donc pas, contrairement à ce qui a souvent été dit et écrit, incitation à la délation.

• Que se passe-t-il dans le cas d’un véhicule de société conduit par un employé ?

Le représentant légal (gérant, PDG…) de la société dont le nom figure sur la carte grise devient responsable pécuniairement, à moins d’administrer la preuve, devant le tribunal, qu’il n’était pas au volant, ou d’être innocenté par le cliché. Si le flashage arrière se généralise pour éviter ce genre de contentieux, il devra payer. Beaucoup de responsables de flottes d’entreprise s’arrachent les cheveux à cette perspective. Solution envisagée : l’installation de carnets de bord dans les véhicules à conducteurs multiples, avec nom et horaires et, en cas de flash… éventuelles retenues sur salaire.

• Que se passe-t-il dans le cas d’un véhicule de location ?

Comme lors d’un stationnement irrégulier, le loueur transmettra le nom du locataire du véhicule au moment de l’infraction. Ce dernier se trouve alors dans la même situation, face à la loi, que s’il était propriétaire – temporaire en l’occurrence – du véhicule.

• En conclusion

En dehors du grand excès de vitesse, qui ne concerne pas plus de 1 % des conducteurs, le grand changement qu’apporte la loi Gayssot, c’est la possibilité du flashage par l’arrière : 0 % d’impunité, aucun point retiré. Les radars ne seront donc plus visibles des conducteurs, ce qui permettra de les placer dans les endroits dangereux (courbe, intersection) où les forces de l’ordre hésitent actuellement à les installer, de peur de provoquer coups de frein et dérapages…